
â Pour mon plus grand plaisir (et la longueur de mes rĂ©ponses en atteste đ) j’ai Ă©tĂ© invitĂ©e dans cette interview Ă rĂ©pondre Ă quelques questions des blogueuses ayant dĂ©couvert Le Bruit des pages en avant-premiĂšre (oh les chanceuses !). Vous remarquerez d’ailleurs que ce sont les mĂȘmes (ou presque) qui apparaissent sur la premiĂšre page du roman, et aussi dans l’article « Premiers avis des lectrices Charleston » đ Merci aux Editions Charleston d’avoir permis cet Ă©change !
La Russie a-t-elle une signification particuliĂšre pour vousâ? â Maud, du blog Les Tribulations dâune Maman Mammouth
En effet, jâai toujours Ă©tĂ© fascinĂ©e et aimantĂ©e par la Russie, sans pour autant pouvoir me lâexpliquer de maniĂšre rationnelle. Câest un pays tissĂ© de contrastes, de paradoxes, dâextrĂȘmes, mais dâune densitĂ© culturelle incomparable. Jâaime lâĂąme de cette terre et de ses habitants, sa duretĂ©, si douce pourtant, solide et forte, inĂ©branlable. Il y a une profondeur qui mâa touchĂ©e, submergĂ©e, et je cherche encore des mots adĂ©quats pour la dĂ©finir. Je nâai pas dâorigines russes, rien qui ne mây rattache personnellement, si ce nâest les amis que je mây suis faits, et nĂ©anmoins je ressens un lien trĂšs fort avec ce pays. Il suffit dâailleurs dâĂ©couter comment Ăva en parle pour comprendre mon point de vue !
Je me souviens encore de la premiĂšre fois oĂč jâai rencontrĂ© un Russe. Je suis restĂ©e bouche bĂ©e Ă le dĂ©visager comme un extraterrestre tombĂ© du cielâ! Ensuite, jâai rencontrĂ© un groupe dâartistes, des danseurs, des musiciens, des jongleurs de feu, nous sommes devenus trĂšs proches, et ça nâa pas pris longtemps avant que jâaille leur rendre visite Ă Saint-PĂ©tersbourg, ville qui me faisait rĂȘver depuis le visionnage frĂ©nĂ©tique dâAnastasia durant mon enfance. Jâai plus tard rĂ©alisĂ© que ce dessin animĂ© Ă©tait un tissu de mensonges et dâanachronismes, mais il conserve nĂ©anmoins une place dans mon cĆur et mon imaginaire.
Quant Ă Saint-PĂ©tersbourg, jâai dĂ©plorĂ© lâabsence de carrosses, mais cela ne mâa pas empĂȘchĂ©e dâen tomber follement amoureuse et dây retourner plusieurs fois Ă diffĂ©rentes saisons. Arpenter les rues de Saint-PĂ©tersbourg sous la neige, en pleine nuit, est dâailleurs lâun de mes plus merveilleux souvenirs de voyage. Toutefois, Saint-PĂ©tersbourg ce nâest pas la Russie, et jâai bien lâintention dâen dĂ©couvrir davantage dans les prochaines annĂ©es Ă venir !
Avez-vous Ă©tĂ© inspirĂ©e par un tableau, ou une autre Ćuvre, pour Ă©crire ce romanâ? â AurĂ©lie du blog Mon Jardin LittĂ©raire
Beaucoup dâĆuvres artistiques ont accompagnĂ© mon Ă©criture, et la plupart dâentre elles apparaissent dâailleurs au fil du roman. Chacune a eu une influence sur moi, Ă sa maniĂšre, apportant des rĂ©flexions qui parfois cheminaient vers une nouvelle idĂ©e, souvent bien Ă©loignĂ©e de lâinspiration de dĂ©part ! En fait, elles Ă©taient surtout des rĂ©vĂ©latrices, des confirmations ou des Ă©chos Ă mon propre processus crĂ©atif du moment. Durant ma pĂ©riode dâĂ©criture, je nâai quasiment Ă©coutĂ© que de la musique classique datant dâavant 1916, principalement des compositeurs russes ou slaves, afin de mâimprĂ©gner pleinement de la culture musicale de cette Ă©poque et du pays.
De mĂȘme pour la littĂ©rature. Par exemple, Que Faireâ? de NicolaĂŻ Tchernychevski, qui occupe une place importante dans mon roman et dans la littĂ©rature russe, mâa complĂštement bouleversĂ©e. Non seulement pour sa profonde portĂ©e philosophique et sa qualitĂ© littĂ©raire, mais aussi parce que sa rĂ©sonance avec lâhistoire du Bruit des pages est surprenante, bien quâils demeurent trĂšs diffĂ©rents. Ainsi, jâai opĂ©rĂ© une mise en abyme en lâentremĂȘlant Ă mon intrigue, lui confĂ©rant le rĂŽle Ă la fois pivot et catalyseur quâil avait eu pour moi.
Pour ce qui est du tableau de la librairie, Ă part mon amour pour la peinture impressionniste, il nây a aucune Ćuvre que jâai pu voir dans ma vie ressemblant Ă celui peint dans mon esprit. Dâailleurs, je dĂ©plore mes maigres talents dans ce domaine, car je rĂȘverais de pouvoir un jour le contempler sur une immense toileâŠ
NĂ©anmoins, il y a une petite anecdote qui explique lâĂ©tincelle dâinspiration qui mây a menĂ©e. JâĂ©tais plongĂ©e dans le roman depuis environ deux mois, et en allant acheter des ampoules, sur un portant prĂšs de la caisse, jâai vu des cartes postales reprĂ©sentant des femmes en costume ArlĂ©sien par une artiste peintre du nom de Danielle Raspini. Lâune dâelles, reprĂ©sentant une femme brune en costume ocre, de profil avec une ombrelle, mâa profondĂ©ment marquĂ©e et Ă©mue. Cette peinture est bien diffĂ©rente de mon tableau, et pourtant câest la nuit mĂȘme quâil mâest apparu.
La poĂ©sie fait partie intĂ©grante de votre livre, pourquoi ce choixâ? â Elodie du blog Au Chapitre
Mon premier amour est la poĂ©sie, et je me sentirais orpheline sans elle, amputĂ©e dâune voix dâexpression essentielle. Elle est venue naturellement sâimmiscer entre les pages de Polina, elle sâest entremĂȘlĂ©e aux pensĂ©es et aux Ă©lans des personnages et mâa donnĂ© des mots pour les exprimer. La poĂ©sie a quelque chose de pur et dâunique. Ă mes yeux, elle est la langue dâexcellence des Ă©lans du cĆur et de lâĂąme, dans tout ce quâelle peut possĂ©der dâĂ la fois simple et exaltĂ©, tranchant parfois, mais vrai et sans appel. En cela, la poĂ©sie russe me transporte plus quâaucune autre, mĂȘme si je ne la lis quâen français, amputĂ©e dâune part dâelle-mĂȘme⊠Comme Ăva, jâaime dĂ©clamer Ă voix haute, souvent juste pour moi. Je les rĂ©cite encore et encore, je mâimprĂšgne de leur musique, de la puissance quâils me transmettent, et je mâen sers pour plonger dans mon propre imaginaire. La poĂ©sie Ă©veille mon inspiration, elle attise mon dĂ©sir dâĂ©crire, me berce et me plonge dans un Ă©tat second, hors du temps. Et combien de fois des mots mâont semblĂ© avoir Ă©tĂ© Ă©crits pour rĂ©pondre prĂ©cisĂ©ment Ă lâĂ©lan ou aux tourments qui mâhabitaient Ă cet instant ? Des mots que jâignorais chercher jusquâĂ ce que je les entendeâŠ
Pour le personnage dâApollinariya, câest le mĂȘme processus qui se joue, elle entretient un dialogue Ă©motionnel avec la poĂ©sie quâelle lit. Et puis, quelle jeune femme amoureuse, ou jeune homme, tenant un journal intime, ne sâest pas un jour ou lâautre essayĂ© Ă la poĂ©sie ? Cela me semblait naturel, et dâautant plus rĂ©aliste dâen insĂ©rer quelques-uns de sa plume.
Jâaime beaucoup la construction de votre roman, comment avez-vous procĂ©dĂ© dans lâĂ©criture des histoires aux deux Ă©poquesâ? â Michelle du blog A book is always a good idea
Merci, câest un compliment qui me va droit au cĆur ! La construction de lâintrigue est lâun des aspects qui me fascinent et me grisent le plus dans la crĂ©ation dâune Ćuvre. Pour Ă©crire ces deux histoires Ă des Ă©poques diffĂ©rentes, jâai avant tout cherchĂ© Ă ce quâelles entrent en rĂ©sonance, se rĂ©pondent et se complĂštent. Lâune ne va pas sans lâautre, elles avancent et sâarticulent ensemble, câest ainsi que je les ai conçues et que jâai procĂ©dĂ© pour les Ă©crire. Parfois, je prenais de lâavance avec lâune, tout en sachant que le contenu serait remaniĂ© pour fusionner avec lâautre lorsquâelles se rejoindraient.
Mon meilleur ami dans ces moments, toujours Ă mes cĂŽtĂ©s, mon outil de travail indispensable, câest mon carnet de bord. Jây note chaque idĂ©e, chaque piste possible, tout ce qui me vient Ă lâesprit, et ensuite je fais le tri. Cela me permet aussi de prendre du recul tout en examinant chaque dĂ©tail afin que tout sâimbrique au mieux. Je revois les chronologies, je note des points que je dois approfondir ou amĂ©liorer, je note des pense-bĂȘtes en majuscule pour bien penser Ă harmoniser tel dĂ©tail sur tel personnage avec tel autre chose. Le travail de transition entre deux Ă©poques, chapitre aprĂšs chapitre, demande une gymnastique constante qui me stimule. Cela laisse aussi le temps aux personnages de me manquer. Ainsi, je suis toujours heureuse de les retrouver, et quand je reviens vers eux mon regard est diffĂ©rent, plus objectif, et je peux remarquer des erreurs ou des incohĂ©rences quâautrement je nâaurais pas vues, car trop immergĂ©e dans lâhistoire.
On ne peut quâadmirer la construction de votre roman, une belle mise en abyme du travail dâĂ©crivain. Est-ce une maniĂšre de parler de votre travail, de votre maniĂšre dâĂ©crire ? â Laura du blog Devoratix Libri
Deux compliments sur la construction, je suis aux anges ! En effet, jâai pris volontairement plaisir Ă jouer avec la mise en abyme de mon propre processus dâĂ©criture Ă travers Ăva et Apollinariya. Le personnage dâĂva est mon reflet Ă de nombreux niveaux. La trentaine dâonglets ouverts sur le navigateur, les livres qui sâempilent et dĂ©bordent des Ă©tagĂšres, toutes les recherches passionnĂ©es sur la Russie, lâamour des mots, lâenvie de mettre mille citations incroyables, les moments dâĂ©piphanie quasi hystĂ©rique, je vivais cela, et le distiller dans lâhistoire me paraissait ĂȘtre la suite logique. Ainsi, je fais avancer mon personnage en symbiose avec moi, tandis quâelle fait de mĂȘme avec le personnage dâApollinariya.
Je l’avoue, jâai bien rigolĂ© toute seule parfois, en tricotant tout ça ! Comme elle je suis trĂšs solitaire et lorsque lâinspiration fuse dans tous les sens, jâai besoin de mâisoler plusieurs semaines du monde extĂ©rieur pour pouvoir mây immerger pleinement. Jâaime et me nourris de ces moments dâintimitĂ© avec mon imaginaire, et Ă mes yeux lorsque nous Ă©crivons, nous ne sommes jamais seuls, bien au contraire. Je passe une grande part de mon temps de conception et de crĂ©ation Ă mĂ©diter, autre habitude que jâai prĂȘtĂ©e Ă Ăva, et jây puise Ă©normĂ©ment.
Je me prĂ©pare un coin douillet, un fond musical en accord avec mon besoin du moment, carnet et ordinateur Ă portĂ©e de main. Parfois dans mon lit, mon canapĂ©, ou encore dans un parc, dans la nature, peu importe tant que suis confortablement installĂ©e (sans oublier une immense thĂ©iĂšre de thĂ©) et je me laisse glisser dans une sorte de demi-sommeil oĂč jâinvite lâhistoire et les personnages Ă me rejoindre. Avec eux, jâexplore diffĂ©rents possibles de lâintrigue, je les place dans diverses situations et jâimagine leurs rĂ©actions, leurs Ă©motions, leurs pensĂ©es. En somme, jâapprends Ă les connaĂźtre en tant que personne, non comme des ĂȘtres de papier. Ils deviennent mes amis, ma famille, comme câest le cas pour beaucoup dâĂ©crivains, et câest justement ce mĂȘme transfert qui sâopĂšre chez Ăva, qui Ă son tour commence Ă assimiler ses personnages Ă de vraies personnes.
Croyez-vous aux Ăąmes sĆursâ? â Alexandra, du blog La bibliothĂšque des rĂȘves
Ă ma maniĂšre ! Disons que je nâassocie pas, ou plus, la notion dâĂąme sĆur avec une relation de couple comme on lâentend la majoritĂ© du temps. Je conçois rĂ©ellement les Ăąmes sĆurs au pluriel, comme des personnes que lâon rencontre au court de notre existence et avec qui il y a un lien puissant qui se crĂ©e aussitĂŽt, une Ă©vidence, un miroir qui nous permet aussi dâavancer et de nous dĂ©couvrir, de partager un amour mutuel, mais pas pour autant amoureux ou aboutissant Ă une relation.
Un ou une amie peut ĂȘtre une Ăąme sĆur Ă mes yeux. Certes, il y a des personnes qui se rencontrent et sâaiment jusquâĂ la fin de leurs jours, elles semblent destinĂ©es Ă ĂȘtre ensemble, et peut-ĂȘtre que câest le cas, mais de lĂ Ă considĂ©rer que chacun a une moitiĂ© jumelle quelque part dans le monde, malgrĂ© mon Ăąme romantique, je suis sceptique. Mais, enfin, qui sait !
Pourquoi avoir choisi ce style de narrationâ? â Marie, du blog Marie Ă tout prix happy :
Lâalternance narrative entre le prĂ©sent dâĂva, pendant quâelle Ă©crit le journal intime dâApollinariya, et les plongĂ©es Ă lâintĂ©rieur dudit journal, nâĂ©tait pas vraiment un choix, plutĂŽt une Ă©vidence. Dâautres paramĂštres ont Ă©tĂ© moins faciles Ă dĂ©terminer, comme lâarticulation des trois parties qui structurent aujourdâhui le roman. Jâai optĂ© pour cette configuration aprĂšs de nombreux essais et remaniements, qui Ă chaque fois ne me satisfaisaient pas. Certaines choses sont des Ă©vidences, comme les prĂ©noms dâĂva et Apollinariya par exemple, tandis que dâautres mettent des mois avant de trouver leur forme dĂ©finitive. En tout cas, une chose Ă©tait fondamentale Ă mes yeux : les chapitres prĂ©sent et passĂ© devaient se rĂ©pondre comme un dialogue. EspĂ©rons que lâeffet est rĂ©ussi !
Quelle est lâĆuvre qui vous a Ă©mue le plusâ? â Elodie, du blog Eliot et des livres
La question impossible, il y en a tellement ! NĂ©anmoins, jây ai bien rĂ©flĂ©chi depuis hier et, puisque lâon parle du Bruit des pages, je vais rester dans les ouvrages qui mâont accompagnĂ©e, et les Ćuvres poĂ©tiques de MikhaĂŻl Lermontov ne mâont pas quittĂ©e, et mâon fait verser bien des larmes dâĂ©motion. Jâai ressenti dâailleurs un sentiment similaire avec la poĂ©sie dâAkhmatova, qui me bouleverse encore Ă chaque lecture.
Je parle beaucoup dans le roman de lâĂ©motion ressentie par Ăva pour la littĂ©rature et la poĂ©sie, et Ă vrai dire je suis tout autant sensible quâelle, bien que difficile aussi, et je peux parfois ĂȘtre Ă©mue aux larmes par une phrase, une tournure, un mot, un geste parfaitement dĂ©crit ou un dialogue percutant. Je pense dâailleurs que pour chaque livre que jâai rĂ©ellement aimĂ© et que je porte dans mon cĆur jâai versĂ© au moins une larme. De tristesse, de joie, de rage ou de compassion, quâimporte, mais si le livre ne mâa pas Ă©mu, il y a peu de chance quâil me laisse une traceâŠ




